Léon Vérane à Solliès-Pont

« Petit Gapeau va dire à mon amante »

 

Petit Gapeau va dire à mon amante

Que je la voudrais entre mes bras tenir

Échevelée, amoureuse, démente,

Les seins cambrés sous le fouet du désir.

 

Longue est la nuit à qui vit dans l’attente :

Que sur la tour je vois enfin jaillir

Le feu qui dit que ma dame est clémente

En son giron daigne enfin m’accueillir.

 

Cessent mes pleurs et mes alarmes vaines :

J’irai cueillir myrtes et marjolaines

Que tresserai pour ses sombres cheveux,

 

En torque ronde et en souple guirlande

Et dans mon cœur liesse sera si grande

Qu’y chantera le magique oiseau bleu.                    

 Les Amis de Solliès-Ville, n°8, 1965

 

Écrit « dans le goût ancien », le 21 mai 1950, ce sonnet appartient à la tradition d’une poésie qui prend sa source chez les troubadours, s’imprègne de la grâce moyenâgeuse des poèmes de Charles d’Orléans et des angoisses de François Villon, s’enrichit des Amours de Ronsard pour se mêler aux accents baroques de Théophile de Viau, deSaint-Amant, de Tristan l’Hermitte…

Comme ses prédécesseurs, Vérane célèbre son amour, confiant son poème à ce « Petit Gapeau » qui, d’un Solliès à l’autre, sera son messager et son intercesseur auprès de son amante. Une amante qui est « La » femme, l’Unique, pour laquelle le poète précise : « Moi seul peut chanter sa louange », car lui seul accède aux secrets de celle dont « la voix qui vous charme » est « un défi à l’oiseau de ce bois » (« Laus veneris »).

Avec ses yeux « de jais étincelant », son corps « fait d’ambre et d’ivoire », l’amante est l’incarnation de la perfection de la statuaire antique.

 

Elle a le port d’une Victoire,…

Et debout sur le promontoire,

La Samothrace en son élan

Envierait ses seins et ses flancs.                                                                    

« Portrait »

 

Plus encore, elle est « l’égale des déesses ». Le laboureur « Dit quand il l’aperçoit, si brune au clair des saules :  C’est Cérès qui veille les blés ». Le chasseur « La voyant, croit voir Diane et s’apprête à la suivre ».
 

 

Et le poète, au temps que blanchit l’aubépine,

S’il la surprend dans le hallier,

Dit, freinant le désir qui gonfle sa poitrine :

C’est Daphné, l’espoir du laurier.                                                           

« Laus veneris »

 

Les références à la mythologie ancienne sont claires. Cérès, la Déméter des Grecs, évoque la Terre-Mère, la fécondité du sol, la nourricière et, par là même, le mariage. Diane, comme l’Artémis grecque, est la déesse de la nature sauvage, de ces collines que Vérane aime à parcourir, tandis que Daphné, la nymphe aimée d’Apollon, par sa métamorphose en laurier, suggère avec ce glissement symbolique, l’attribut principal du maître des vers, la récompense du poète. La renommée du poète, mais aussi l’accord avec la nature ainsi que le mariage, voilà pour Vérane le ciel et les étoiles dont l’amante est la sœur.

 

Et dans mon cœur, liesse sera si grande

Qu’y chantera le magique oiseau bleu.

 

Avec ce symbole du Bonheur, Vérane entre dans une autre dimension, celle de l’amour réalisé. Comme Alice au pays des merveilles – et grâce à l’amante, – il a réussi à passer de l’autre côté du miroir. C’est un bouleversement total, car après tant d’années de malheur, il est heureux. Et son bonheur est d’autant plus fort, que son malheur a été grand.

Les années les plus noires ont été celles de la guerre. Le malheur s’est installé en 1941 lorsque, en plus de la tourmente, le régime de Vichy le met à la retraite d’office, avec une infime pension. Et en décembre, lorsque meurt son épouse Marie, Vérane est seul, la guerre a dispersé tous les amis. Comme en écho aux vers de Rutebeuf, il les appelle.

 

Ô mes bons amis d’avant guerre,

Où gisez-vous, où gîtez-vous ?

Peut-être au sein froid de la terre,

Peut-être au bois avec les loups ?

 

Ô mes compagnons de naguère,

De vos gestes, j’ignore tout !

Je vous appelle et désespère,

Vous nommant tout haut comme un fou.

 

Ô mes amis, mes presque frères,

Sur ce chemin sans fin ni bout

Le fardeau de notre misère

Quel jour le déposerons-nous ?                         

« Dans la tempête ». Pour Lionel Chassin

 

Le monde s’effondre autour de lui. Tandis qu’il est obligé de vendre « Le Tournebride », sa maison de Solliès-Ville, il voit Toulon se désagréger. Le sabordage de la Flotte fait du port un cimetière marin et les bombardements détruisent tout ce qu’il y a autour.

Vérane considère ses souffrances comme une pénitence. « J’ai commis bien des erreurs dont je porte aujourd’hui le poids, mais je pense me réhabiliter par l’effort de travail que je suis en train de faire et qui, je l’espère plaidera pour moi », écrit-il au bas d’un poème manuscrit, « La Complainte des enfants perdus »

 

Il a tant plu sur leur misère,

Il a tant plu sur leur remords

Tant et tant de larmes amères

Que leur femme comme leur mère

Leur ont pardonné dans la mort.

 

Ils furent les enfants prodigues

Qui, la fleur flétrie au chapeau

Ne connurent ni frein, ni digue.

Certains d’entre eux dansent la gigue

Haut et court pendus au poteau

 

D’autres, j’en suis sûr, dans leur village,

Vers la maison de leur aïeux

Sont revenus, tristes visages,

Sont revenus sans équipages,

Jambes rompues à pas peureux.

 

Closes la porte et la fenêtre,

La maison vendue à l’encan ;

Ils n’ont pas retrouvé les aîtres

Ni l’ombrage rond du grand hêtre

Qui protégeait leurs jeux d’enfants

 

Et le long du chemin qui monte,

Qui monte vers je ne sais où ?

Sous l’adversité qui les domptent

Ces mauvais fils quêtent sans honte

Des quignons durs et des gros sous.                  

 Le Luthier des Équipages, Paris, Seghers, 1953

 

Regard de Vérane sur lui-même, ce poème résonne comme une confession. Il est cet « enfant prodigue », qui n’a connu « ni frein, ni digue ». Et maintenant il revient, « jambes rompues, à pas peureux », car le temps a passé. « La maison vendue à l’encan » évoque la perte du Tournebride. Et, à l’image du sentier qui grimpe à Solliès-Ville, vers la tombe de Marie, ce « chemin qui monte, / Qui monte vers je ne sais où », avec la répétition du verbe, suggère un parcours de vie semblable à un calvaire.

La plainte de Vérane nous renvoie à celle de Charles d’Orléans, à « l’homme égaré qui ne sait où il va ». La litanie de la première strophe, avec la répétition de « tant », ressemble à une demande de pardon. « Misère », « remords », « larmes amères » : Vérane implore l’indulgence de sa femme, sa presque mère. Et, tel les anciens Grecs et Romains, il rend un culte domestique à sa mémoire, comme l’indique le « Memoriae sacrum », qu’il place en-tête du recueil La Fête s’éloigne (1945).

 

De mes amis, toi la meilleure,

La mort n’a pas défait nos liens ;

Je te sens présente à toute heure,

Tes pensées répondent aux miens.

 

Devant l’avenir et son leurre

Qu’ils étaient beaux les jours anciens !                               

« A ma Femme. Présence »

 

Tous ces regrets amers s’ajoutent aux plaintes antérieures, celles du poète élégiaque qu’il était dans les années trente, celles d’un homme qui disait avoir « le cœur prompt au malheur » (« Solitude »). Nous sommes loin ici de l’image habituelle du poète bachique, cliché dont Vérane souffrait déjà de son vivant. « Dans mon village, je ne suis rien qu’un plaisant épicurien, un ventre, un tube digestif, un gastronome, un éleveur de lévrier… J’ai gâté ma vie », écrit-il à son ami Francis Carco. (A voix basse).

Plus profondément encore, il y a chez Vérane une réelle tristesse qui s’exprime dans son attitude. Voici ce que Carco rapporte à ce sujet. « Il battait à divers moments tous les records de loquacité même méridionale, ou s’absorbait soudain dans des abîmes de réflexion ». (A voix basse). Un flot de paroles pour voiler la tristesse et puis le silence : n’est-ce pas ce qui se passe dans la vie même de Vérane, car entre 1933 et 1945, il ne publie plus rien ?

Parmi ses nombreux commentateurs, seul André Blanchard aborde la question de « la tristesse de Vérane ». C’est le titre de l’hommage qu’il rend au poète, trois ans après sa mort, dans la revue Points et Contrepoints, (1957). Pour lui, s’il est paradoxal de parler de tristesse à propos de ce poète de la vivacité et de l’exaltation, il constate qu’avec le temps, Vérane devient nostalgique, mélancolique et « le regret lancinant perce sous les mots, nous sommes au bord du taedium vitae », c’est-à-dire de la fatigue, de la lassitude, de l’ennui et même du dégoût de la vie. Voilà pourquoi Blanchard écrit : « la tristesse de Vérane semble être celle de l’homme qui, ayant étreint la vie avec passion, sent qu’elle lui échappe et qu’elle ne pourra pas lui rapporter les présents capiteux dont il a joui avec délices et aveuglements ». Et de conclure « cette tristesse est celle d’un malaise : le malaise d’une âme insatisfaite ».

Il est vrai que Vérane a des motifs d’insatisfaction. A Carco, il a exprimé ses regrets d’être resté à Toulon – où précise-t-il, « on s’en fout de la poésie » – plutôt que d’être « monté » à Paris, comme l’ont fait tant d’autres avec succès. Dans Les Etoiles Noires, (1932), dernière publication avant un silence qui va jusqu’à la Libération, il parle d’une vie « en proie à l’injustice », frappée d’un « destin contraire ».

 

Les mains vides et sans regrets

Je vais déserter le festin.

Demain est pour moi sans secrets

Et mon soir rejoint mon matin.

 

L'énigme d'un fourbe destin

J'en ai déjoué tous les rets ;

Gloire, amour, plaisirs clandestins,

Je vous avais rêvés concrets.

 

Je ne fus pas l'enfant divin

Que l'on crut quand au jour je vins.

Les trois rois devant mon hameau

 

Avec leurs nègres en turban

Portant la myrrhe et l'oliban :

Les trois rois devant mon hameau

 

N'ont pas arrêté leurs chameaux.                          

« Epiphanie ». Pour Vincent Muselli

 

Voilà comment le poète exprime tristesse et « taedium vitae », avec pudeur, délicatesse, humour, ironie même, ce qui n’enlève rien à la force du sentiment. « Je joue et je ris, quand me sens douloureux ; / De plaisance j’ai, d’espérance pleine ; / J’attends bonheur en regret angoisseux », disait Charles d’Orléans, auquel faisait écho l’expression « Je ris en pleurs » de François Villon, deux auteurs dont s’inspirent les « Fantaisistes », et nous savons que Vérane est un des fondateurs de cette école poétique, avec son ami Carco et ses chansons aigres-douces.

Cependant si, avec Les Etoiles Noires, Vérane prend congé de l’orgueil, des passions, de la gloire et, même avec tristesse, de certains de ses amis qui l’ont négligé, il croit encore à l’Amour. « De tout mon cœur trahi, c’est l’amour que j’appelle », il espère la venue de la Femme.

 

Assez d’un destin où de longs ennuis

Les fils s’enchevêtrent

Celle dont le geste écarte la nuit

Va bientôt paraître.                                                                                      

« Romance »

 

Femme idéalisée, mythique, « celle dont le geste écarte la nuit » : ne risque-t-il pas de l’attendre en vain ? Pourtant, à Solliès, au bord du Gapeau, plus de quinze ans après avoir écrit ces vers, Vérane voit paraître l’amante. « Longue est la nuit à qui vit dans l’attente ».

Aux lendemains de la Libération, Vérane est à Paris, comme il le souhaitait depuis longtemps. Il y vit entouré d’amis, et cela semble se passer plutôt bien. Il fait paraître deux recueils, La Fête s’éloigne (1945) et La Calanque au soleil (1946). Son Toulon est à nouveau publié, cette fois en édition de luxe, avec des gravures de son ami Decaris. Et il a eu le Grand Prix de la Maison de Poésie. Cependant, à soixante ans passés, sa poésie n’est plus celle de l’avant garde et l’on est loin de l’heureuse époque des Fantaisistes, celle de ses vingt ans, avant la Grande Guerre. Ce n’est pas que Vérane a changé de bord, mais c’est le bord qui a changé : Decaris est à l’Institut, Carco à l’Académie Goncourt, Vaudoyer à l’Académie française et Vérane … est chevalier de la Légion d’honneur.

Quand ses affaires le réclament à Toulon, quand l’appel du soleil se fait pressant, Vérane vient au bord du Gapeau, parcourt les collines des Solliès, éprouve la nostalgie des bonheurs anciens, notamment des jours passés, dans son enfance, avec son oncle.

 

Mon oncle, mes cheveux blancs sont comme les vôtres,

Des forêts hôte familier,

J’écoute encor le pic frapper la branche morte

Et les grognements des sangliers.

Mais comme vous manquez à ces soirs romantiques

Vous le premier de mes amis…                       

« Pour mon oncle », La Calanque au soleil

 

Comme en témoignent tous ses proches, Vérane apprécie Solliès et le Gapeau. Son cousin germain, Jean Jacob, nous dit combien il avait un amour passionné pour ces trois villages « dont les noms portent en eux le soleil », et combien « la fraîcheur de ses fontaines et l’ombre de sa place l’attiraient à Solliès-Pont, où il prenait ensuite « le sentier qui épouse les méandres du Gapeau » (« Ces Solliès que tu aimais », Les Amis de Solliès-Ville). Jacob nous précise que si Vérane « avait horreur des bains de mer », la « rivière le charmait » et qu’il « quittait bien souvent ses chaussures pour tremper les pieds dans les herbes aquatiques ». Et l’ami Olive Tamari de rajouter :

 

Il est difficile de vivre dans un monde sans ailes,

Mais tu aimais ces tremblements de l’eau

Qui semble avoir des ailes

Quand tu longeais les rives du Gapeau.                                                

« Adieu au poète »

 

Ainsi, en cette fin des années quarante, lors d’un séjour à Solliès-Pont, Vérane prend pension à l’auberge du « Lapin Blanc ». Et là, il découvre la bonne hôtelière, « la belle de Solliès ».

 

La belle de Solliès est brune et vaut deux blanches.

Je voudrais caresser son sein avec sa hanche

Et faire vingt sonnets sur sa hanche et son sein.

 

Quand le cœur est blessé, le cœur s’ouvre et s’épanche

Et sous les cerisiers au seuil d’un beau dimanche

La belle de Solliès a connu mon dessein.                                   

Le Luthier des Equipages

 

La manière fantaisiste de ce poème ne voile pas l’importance de cette rencontre. Vérane sait déjà qu’avec « la belle de Solliès », il se trouve face à « celle dont le geste écarte la nuit ». Il l’a compris dès qu’il l’a vue. Il sent qu’elle perçoit combien il est meurtri par la vie : « Quand le cœur est blessé, le cœur s’ouvre et s’épanche ». Il pressent qu’avec elle prendra fin ce long cycle de malheur et de détresse « Cessent mes pleurs et mes alarmes vaines ». Cependant, comme au temps des cours d’amour, la belle se fait attendre.

 

Et la belle m’a dit, décevante mais franche

Jetez dans le Gapeau l’iris et la pervenche

Et sous les cerisiers revenez l’an prochain.                                                               

Ibidem

 

Ce refus n’est pas un rejet et le Gapeau, à l’image du temps qui passe, se fait le garant du retour du printemps avec cette volée de fleurs : l’iris, la messagère des dieux, la pervenche à la couleur d’espoir, (rappelez-vous l’oiseau bleu du bonheur), et pour finir, l’emblème de Solliès, les cerisiers qui évoquent tout à la fois la pureté et la promesse des fruits. Et Vérane se faisant troubadour, écrit une « Ballade en l’honneur de la Bonne Hôtelière du Lapin Blanc ».

 

Jadis Villon rima maintes ballade.

Par quoi depuis il acquit grand renom ;

Firent ainsi Banville et Tailhade

Chacun chantant sa mie à sa façon.

Humble écolier imbu de leurs leçons

De ville en bourg, je veux jusqu’en Bavière

Louer sans fin c’est justice et raison

« Le Lapin Blanc » et sa bonne hôtelière !

 

Quant c’en est fait des jeux, des accolades

Long du Gapeau où l’on cueille à foison

Pour le déduit, la pomme et la grenade

Il faut, amants, quitter le vert gazon

Et prendre gîte en honnête maison.

Si m’en croyez, ceints de pampre et de lierre

Aller sabler le petit piqueton

« Au Lapin Blanc », chez la bonne hôtelière !

 

Sur les fourneaux vol-au-vent et croustade

Truite au bleu, filets aux champignons

Parfument l’air de poivre et de muscade.

Sur le dressoir les fruits de la saison :

A l’un la figue à l’autre le brugnon !

Allez amants en suivant la rivière

Pour à Comus, offrir votre oraison

« Au Lapin Blanc », chez la bonne hôtelière !

 

Envoi

Prince des fous, moi qui bats les buissons

Cueillant la rime et la fleur printanière

De ma ballade aurai-je ce guerdon :

Un franc baiser de la bonne hôtelière.                          

Avec un Bilboquet, Solliès-Pont, Les Facettes, 1954

 

Au talent du poète, à son allure de grand seigneur, s’ajoute la pureté de ses sentiments, si bien qu’un soir :

 

Quel matin connut soir plus beau

[…]

Celle dont j’espérais l’aveu

Comme la terre attend l’orage

A défait pour moi ses cheveux.                                                 

« Nuptial », Tribut d’encens

 

Pourtant, Vérane doit regagner Paris où l’appellent ses affaires. Mais la capitale a perdu ses couleurs et Vérane exprime « ses regrets de Solliès ».

 

Anonyme parmi la foule

Dans ce Paris brumeux et froid

Que tristement mes jours s’écoulent

En songeant au pays varois.

 

Il est là-bas bien des villages,

Des hameaux au clocher roman

Endormis en de bleu paysages

Dont mon cœur va se souvenant.

 

Mais je pleure sur toutes choses

Solliès aux rives du Gapeau

Au temps qu’y fleurissent les roses

Et qu’y niche le passereau.

 

Ses restanques d’où monte à l’aube

Le cri d’éveil de la perdrix

Qui rappelle puis se dérobe

Dans l’épaisseur des blonds épis.

 

La rivière aux souples méandres

 

Sinuant entre les roseaux

Le pêcheur jamais las d’attendre

La truite sous la chute d’eau.

 

Et la cueillette des cerises

Que mai rougit dans les vergers

Lorsque la flûte de la brise

S’accorde à celle des bergers.

 

Et plus que tout : la fille brune

Au hardi profil sarrasin

Qui me fit voir au clair de lune

La double pomme de ses seins.                                                 

Les Amis de Solliès-Ville

 

Alors, Vérane écrit un arc-en-ciel de poèmes d’amour qu’il publie sous le titre de Tribut d’encens, en hommage à celle qu’il aime et qu’il épouse le 6 décembre 1951. « Deux étions et n’avions qu’un cœur ». Vérane met ce vers de François Villon en tête d’un second poème dédié à l’amante et confie au petit Gapeau, ce dernier « sonnet dans le goût ancien ».

 

Petit Gapeau, verdoyante rivière

Par mes amours, j’illustrerai tes bords.

Là je la vis, la tant belle et tant fière

Là je remis entre ses mains mon sort.

 

Tels sont unis le chêne et le lierre,

Tels nous étions l’un l’autre, esprit et corps,

Et souhaitions dans l’étreinte dernière

Trouver tous deux l’extase avec la mort.

 

Petit Gapeau, rivière doux coulante

Entre l’ajonc, les flouves et les menthes :

Aux amoureux que ramène l’été

 

Pour découvrir la fraise dans les sentes :

Quand dormirons de toute éternité

Dise ton flot le nom de mon amante.                                                                    

Ibidem

 

Ce texte est la version écrite de la conférence donnée par Alain Bitossi, à Solliès-Pont, au Fougau dei Ginesto, le samedi 27 novembre 2004. Ce soir-là, le Gapeau était argenté par la pleine lune.

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