(La Fère en Tardenois 1864 – Montfavet 1943)

Camille CLAUDEL

Mon frère en jeune romain, 1884

Bronze, 50 x 42 x 22 cm

Don Rothschild, 1899 – Inv. 968.25.1

 

Alphonse de Rothschild (1827-1905), fils de James et frère d’Edmond, a joué un rôle important comme donateur pour les musées français. Financier, il collectionne dans son hôtel particulier de la rue Saint Florentin à Paris des peintures et des sculptures du XVIIIe siècle, et acquiert chaque année, au Salon ou dans les ateliers d’artistes, des œuvres d’artistes contemporains.  On recense 2000 œuvres données à 150 musées, réparties sur 20 ans, parmi lesquelles des sculptures de Rodin et de Camille Claudel.

Le Musée d’Art de Toulon a eu la chance de bénéficier du don exceptionnel de cette sculpture en bronze de Camille Claudel : Mon frère en jeune romain

Camille est née en 1864, elle est l’ainé de deux enfants, Louise et Paul le cadet. Très jeune, elle dessine des portraits de sa sœur et de son petit frère qu’elle affectionne particulièrement. En 1882, âgée de dix-huit ans, elle sculpte son premier buste de Paul en jeune romain. Elle réalise, en 1883, un plâtre teinté Paul Claudel à seize ans, puis en 1884 une version en bronze Paul Claudel à seize ans, est commandée par le baron Alphonse de Rothschild qui en fait don au musée de Toulon en 1899. Un autre exemplaire de cette sculpture est fondu en 1886 et donné au musée Calvet d’Avignon en 1897. En 1900, un troisième exemplaire intègre les collections du musée de Tourcoing.

Cette œuvre de jeunesse, remarquée par Auguste Rodin,  est décisive pour la carrière de Camille qui rejoint l’atelier de Rodin à cette période. Elle révèle les capacités de l’auteure à exprimer ses sentiments personnels dans le portrait sculpté. L’amour que Camille porte à son « petit Paul » se manifeste dans ces différentes versions de Paul en habit romain. La physionomie du portrait sculpté est toujours très fidèle au modèle ; ici il s’agit d’une sculpture en ronde-bosse, un buste en dessous de la poitrine. Le drapé, tel une toge romaine, s’étend sur les épaules et le torse du jeune garçon, les plis uniquement sur l’épaule de gauche. Le traitement du drapé laisse percevoir la poitrine du jeune homme. Des mèches de cheveux couvrent le haut du front et les tempes, le visage est d’un tracé ovale.  On apprécie les jeux de contrastes entre le visage poli qui accroche la lumière et les plis saillants de la tunique. Camille trouve un équilibre parfait entre le mouvement du vêtement et l’austérité de l’expression du visage.

L’ensemble de l’œuvre sculptée de cette plus grande artiste féminine de la fin du XIXe siècle, au destin malheureusement tragique, n’échappe pas à Paul Leroi. Il écrit dans son commentaire du Salon de 1887 : « Mademoiselle Camille Claudel, cette jeune fille inspirée que passionne profondément son art et qui imprime tant de caractère à tout ce qu’elle entreprend […]».

En 1913, au vu de l’état de santé mental de Camille Claudel, son frère Paul et sa mère la font interner à l’asile de Ville-Evrard, puis à l’hôpital psychiatrique de Montdevergues (Vaucluse) où elle resta jusqu’à sa mort en 1943.

Paul Claudel (1868-1955), poète et écrivain dramatique français, aura une brillante carrière de diplomate aux Etats-Unis (vis consul de New-York en 1893), en Chine, au Japon et au Brésil. Ses œuvres sont imprégnées  de sa foi catholique ; Le Partage de midi, Le Soulier de satin sont les plus importantes. Hanté par la mémoire de Camille, l’écrivain décrit sans cesse ses sculptures comme dans Rêve au coin du feu (1940).

 

Brigitte Gaillard – conservateur en chef des musées de Toulon

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