Statuette

Afrique occidentale, Burkina Faso, première moitié du XXe siècle (?)

Bois sculpté et peint

81 x 15 x 13 cm

Legs Fauverge de French, 1961 - Inv. 961.3.392 

La statuette représente une femme debout les bras le long du corps, peinte en rouge et noir au niveau des jambes, des mains, du cou et du nombril. La figure féminine porte des scarifications sur le visage et autour du nombril. Cette partie du corps est le réceptacle de vie et de siiga, soit l’emplacement de la substance immortelle des ancêtres que chaque nouveau-né contient et dont la présence décide de la destinée. Les seins sont de forme conique et pointue, signe de jeunesse et de fertilité. Enfin, la tête est coiffée du kwonro, calotte en rotin surmontée d’une planche ronde ou quadrangulaire qui symbolise le degré d’initiation du Poro.

 

Les Sénoufos et le culte du Poro

Les Sénoufos constituent une ethnie africaine, ils habitent entre le nord de la Côte d'Ivoire, le sud du Mali dans la région de Sikasso et le Burkina-Faso. Ils vivent essentiellement de l'agriculture (ils cultivent le riz, le mil, le maïs, l'igname, le manioc et le thé), mais aussi de la chasse. Leurs villages sont gouvernés par un conseil des anciens.

Selon la conception sénoufo, l'être humain est, à sa naissance, dans un état d'animalité et le Poro lui est dispensé afin de le faire passer de l'état d'animalité à celui d'homme.

Le culte initiatique du Poro est très ancré dans les villages ; il joue un rôle majeur car il est à la base de la cohésion de la tribu. Dès l'âge de 7 ans, les jeunes garçons suivent une initiation qui se déroule en trois phases de sept ans chacune ; elle permet à ces derniers d’accéder à la connaissance de la création du monde.

 

La divinité Katyeleo.

Selon la théologie sénoufo, le créateur, Kolotyolo (Dieu), s'est retiré loin des hommes et a confié à la déesse Katyeleo la gestion du monde. Ainsi, tous les cultes vénèrent la divinité féminine. Les statuettes sont de forme et de fonction très diverses, mais elles sont souvent des effigies de maternité qui représentent la déesse-mère. Lors du culte du Poro, elles jouent un rôle de protection pour les initiés encore vulnérables.

 

La femme africaine dans la sculpture.

La femme en Afrique est omniprésente aussi bien dans la mythologie que dans la vie quotidienne. Elle est représentée par les artistes en tant que mère, prêtresse, déesse ; elle incarne la beauté, la fertilité, mais aussi la maternité.

La sculpture sénoufo met à l’honneur la femme à travers ces statuettes effigies symbolisant la déesse mère qui régit la société et qui organise la vie matérielle et spirituelle des tribus. La statuaire africaine est caractérisée par un mélange de détails réalistes associés à des formes géométriques pures.

 

De l’objet de curiosité à l’objet culturel.

Ces sculptures « fétiches », arrachées de leur contexte culturel et géographique et rapportées en Europe, ont été exposées comme des objets curieux et étranges. Elles ont longtemps été considérées comme des manifestations de croyances et superstitions primitives de peuples sauvages. 

L’ouverture en 1882 du musée d’ethnographie au Trocadéro à Paris va amorcer en France une lente évolution des mentalités, faisant passer les productions artistiques exotiques du statut d’objet curieux à celui d’objet d’art et culturel.

C’est en partie grâce aux artistes avant-gardistes tels que Picasso, Derain, Vlaminck et Matisse, s’inspirant des formes géométriques et stylisées des sculptures africaines, que l’art « primitif » africain a progressivement été reconnu par les Occidentaux comme un art à part entière.

 

La statuette fait partie des nombreux objets légués au Musée d’Art par Hippolyte Fauverge de French. Journaliste au Figaro, il vient s'installer à Toulon en 1953. À sa mort en 1961, il lègue à la Ville de Toulon plus de 400 objets ethnographiques et archéologiques provenant probablement de ses multiples voyages effectués dans le cadre de son métier. Sa collection d’objets reflète un esprit curieux s’intéressant tout autant aux objets d’art précieux qu’à ceux du quotidien et témoigne de son intérêt pour les cultures du monde. 

Cette statuette sera exposée à la prochaine réouverture du musée d'Art dans le Cabinet de Curiosités qui prendra place au sein de la Bibliothèque au premier étage. Une centaine d'objets sélectionnés parmi la collection ethnographique et archéologique du MAT sera présentée sous la forme d'un petit espace aménagé au cœur des boiseries d'origine de la bibliothèque autour de la thématique des voyages et des objets rapportés en guise de souvenirs par les collectionneurs.

Carine ALPHONSINE – Assistante de conservation du patrimoine

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