(Paris 1748 – Bruxelles 1825)

Jacques-Louis DAVID

Comme nous l’avions indiqué dans une notice précédente, Malcor avait acheté un nombre conséquent de toiles en 1843 auprès de la célèbre famille Clary, à Marseille. Cette prestigieuse provenance explique la présence de ce double portrait au cœur de cette collection privée, finalement acquise par la Ville en 1872.   
 

Lorsqu’il reçoit la commande de cette toile, David est à la fin de sa carrière et d’une vie qui en compte déjà plusieurs. Jeune artiste prometteur de l’atelier de Vien à la fin du règne de Louis XV, il fut premier prix de l’Académie Royale de peinture, pensionnaire à Rome, puis fut reçu à l’Académie comme peintre d’Histoire en 1783. Devenu chantre d’un néoclassicisme triomphant, son atelier devient l’un des plus courus de la capitale. Embrassant la cause révolutionnaire, il devient député de la Convention, siège avec les Montagnards et vote la mort du Roi. Incarcéré un temps à la chute de Robespierre, sa carrière s’attache rapidement à Bonaparte, qui, devenu Empereur, en fait son premier peintre. Dès lors son nom reste, pour la postérité, lié à celui de son glorieux bienfaiteur. En 1815, le peintre régicide doit s’exiler et choisit Bruxelles, où il continue à peindre et à fréquenter les cercles bonapartistes. 
 

C’est dans cette ville qu’il retrouve Julie Clary, qui a pris le titre de comtesse de Survilliers après 1815, ancienne reine de Naples, puis d’Espagne, épouse de Joseph Bonaparte lui-même expatrié depuis les Cent Jours à Philadelphie, aux États-Unis. L’ancienne souveraine est accompagnée de ses deux filles, Zénaïde et Charlotte. Celle-ci prend d’ailleurs des cours de dessins auprès du maître. L’œuvre est une commande de la Reine Julie. David reçut 6 000 francs en 1821, pour un tableau décliné en trois versions. Ces trois œuvres sont conservées respectivement au Getty Museum de Los Angeles, au Musée d’art de Toulon et au Museo Napoleonico de Rome. La version toulonnaise diffère dans le motif de broderie du canapé où des étoiles viennent remplacer les abeilles impériales. Daté de 1822, le tableau est contemporain du mariage de Zénaïde avec son cousin le prince Charles-Lucien Bonaparte, fils de Lucien Bonaparte. 
Dès ses débuts, David pratique parallèlement à ses grands sujets historiques l’art du portrait individuel ou collectif dans ses célèbres grandes compositions (pensons au Serment du Jeu de Paume ou au Sacre). Dans ce double portrait symbole d’union familiale, la morgue et l’assurance mondaine de l’aînée, en grande robe décolletée et bras nus, contraste avec la modestie protectrice de la cadette, s’abritant derrière sa sœur dans une tenue plus chaste. L’attention du spectateur se porte vers la lettre ouverte que Zénaïde offre à notre regard de manière un peu artificielle. Celle-ci, en provenance de Philadelphie, insiste sur la solidarité des liens familiaux que la distance ne saurait abolir. D’ailleurs, après son mariage, Zénaïde rejoindra son père sur le nouveau continent. Autre particularité, l’attention portée au luxe des toilettes, aux tissus chatoyants, à la noblesse des cachemires, sans oublier la beauté des parures. Tout est là pour signifier la dignité « dynastique » des deux princesses, fussent-elles en exil. On le sait, l’habileté financière de Joseph et la sureté de ses placements avaient largement mis sa famille à l’abri. Ce double portrait, loin d’un simple témoignage d’amour familial devient un manifeste, volonté d’une mère intransigeante quant au rang dû à sa progéniture. 

Ce double portrait est donc l’une des dernières œuvres de David, avec son Mars désarmé par Vénus et les Grâces (1824). De plus en plus atteint par des problèmes de santé, le peintre s’éteint à Bruxelles après une congestion cérébrale ayant entraîné une paralysie des mains, le 29 décembre 1825.

Rémy Kerténian – directeur des affaires culturelles

Contacts